• Pages 9 à 12 : Challenger n°2


    Première partie : L’errance d’une inconnue

    La jeune femme se hissa en rampant sur la plage, recrachant l’eau de ses poumons, tentant de reprendre son souffle. Ses cheveux noirs mouillés lui tombaient sur le visage et se plaquaient contre sa peau halée. Arrivée un peu plus haut sur la plage, elle s’arrêta et posa sa tête sur le sable, à bout de souffle. L’orage gronda au loin, au-dessus de l’océan, se rapprochant doucement de la plage. La naufragée se tourna sur le dos avec une grimace de douleur. Ses vêtements déchirés laissés voir de fines lignes sanglantes, incrustées de sable. Elle en avait sur le visage, les bras, les jambes, le ventre, une en travers du torse, et sûrement d’autres dans le dos, lignes aux bords déchiquetées, de sales blessures... Elle toussa et se tourna, vomissant de l’eau salée. La pluie se mit à tomber sur elle, rinçant ses blessures. Elle se rallongea sur le sable et ouvrit la bouche, cherchant à capter la moindre goutte d’eau pour apaiser sa soif et sa gorge brûlante. Au loin, le soleil finissait de se coucher, et plus près, un éclair illumina le ciel, accompagné d’un roulement de tonnerre. L’eau se mit à tomber de plus belle et la tempête était maintenant au-dessus de la plage.

    La nuit passa, ainsi que l’orage, la jeune fille était toujours étendue sur le dos, ses yeux verts grands ouverts. Les seuls bruits étaient le ressac et les cris des mouettes, un silence marin qu’elle écoutait, espérant quelque chose sans savoir quoi. Son esprit était brumeux, embrouillé et un mal de tête lui martelait le crâne, ses blessures la brûlaient, surtout celles du dos, encore incrustées de sable. Elle tentait de dissiper les brumes de son esprit. De se rappeler ce qu’elle faisait là, que s’était-il passé pour qu’elle échoue ici ? Et une autre question la tourmentait encore plus, broyant son estomac de peur de ne jamais trouver la réponse. Qui était-elle ?

    Quand la chaleur du soleil au zénith se fit sentir, elle se remit sur le ventre et se remit à ramper, espérant trouver des rochers et leur ombre. Le sable et les coquillages lui râpaient bras et jambes. Elle ne voyait que des ondulations de chaleur au niveau de l’horizon. Rien que le sable et la mer, à perte de vue. Quand elle fut épuisée de nouveau, elle se rallongea sur le dos, un bras sur ses yeux. La soif la reprit très vite, et la faim commença à se faire sentir. Pour les fuir, elle s’enferma dans son esprit, tentant de retrouver des vestiges de sa mémoire brumeuse. Elle se rappelait la tempête, la même qui l’avait rattrapée plus tard sur la plage.

    Le bateau tanguait plus fort que jamais, poussé par les vagues et le vent, le pont glissait, mouillé par la pluie. Elle était sortie pour essayer d’aider… Aider qui ? Elle ne se rappelait plus les visages. Elle voyait parfaitement le bateau mais plus les visages. Ni les bruits, tout était silencieux, comme vu à travers une vitre. Elle était tombée aussitôt sortie sur le pont. Elle avait essayé de se relever, s’agrippant aux rambardes. Un éclair avait frappé le mat, et les voiles avaient pris feu. La vigie était tombée, calcinée, aux pieds de la jeune fille. Elle avait reculé brusquement en criant. Elle se rappelait les moindres détails du corps calciné… Elle s’était demandé comment le corps avait pu brûler aussi vite… L’éclair ? Elle ne connaissait rien de la force de ces lumières incendiaires… Le bateau avait de nouveau tangué, plus violement, projetant la jeune fille dans tous les sens. Les clous lui râpaient bras, jambes, visage… Les cordes la cinglaient aussi, elle avait mal partout. Une caisse mal arrimée la percuta dans le dos et elle fut éjectée du bateau et perdit à moitié connaissance. Tantôt elle nageait vaguement, tantôt elle se laissait porter… Et après… La plage…

    Elle n’arrivait pas à se souvenir des événements plus vieux… Sa mémoire était tel un désert couvert de brume, qui ne se dévoile qu’à certains endroits. Une mémoire éclatée, brouillée… Son nom… Elle devait retrouver son nom, pouvoir brandir au moins cet étendard de mémoire…

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p>Elle prit sa tête entre les mains et éclata en sanglots. Elle n’avait plus rien. Ni famille, ni amis, ni nourriture, ni eau, ni mémoire… Ni nom… Lui restait-il seulement son âme ? Elle n’était sûre que d’une chose concernant ses possessions : sa vie. Et encore… Combien de temps serait-elle à sa disposition ? Si seulement elle savait où elle était… Elle pourrait trouver un village, un fleuve… Rien, elle ne savait rien sur l’endroit sur lequel elle avait échouée.
    Ses yeux la brûlaient à chaque larme, alors, elle se força à arrêter de pleurer. Il lui fallait de l’eau… et de quoi manger et des soins. Et elle s’en rendit compte… Elle avait un autre besoin, plus vague, mais qui le pinçait le cœur. Besoin de présence humaine… de savoir… d’avoir un nom à mettre sur ses mains.

    Elle s’était relevé et marchait à présent en suivant la plage, espérant trouver de la vie près de l’eau, un port de pêche ou de commerce. Une trace d’humanité, n’importe quoi. Sa gorge la brûlait… assoiffée, irritée par le sel… Cette pensée l’obnubilait presque… Elle aurait voulu ne penser qu’à ça… A de l’eau, à de la nourriture, à marcher sans fin sur cette plage. Elle ne voulait pas penser à sa mémoire. Elle ne voulait plus penser.
    Elle continua de marcher, malgré la tombée de la nuit. Une nuit noire, les nuages étant revenus et couvrant lune et étoiles. La jeune fille de voyait pas à deux mètres, et somnolente, encore moins loin… Ainsi, elle ne vit pas le bout de bois flotté enfoncé dans le sable et s’étala de tout son long. Elle jura et donna un coup de poing dans le sable. Elle laissa de nouveau ses larmes couler puis elle se releva. Avec milles précautions, à tâtons, elle s’aventura vers l’énorme forme noire qui se dressait devant elle. Elle pensait que c’était un bateau naufragé, et qu’elle avait du buter contre un morceau cassé du navire. Elle s’allongea contre un pan du navire, recroquevillée, cherchant un abri face au vent et au froid. Le drapeau en lambeaux du bateau claquait au vent, le bois gémissait… Ou était-ce les fantômes de ce naufrage ?



    La jeune fille dormit fort mal et quand elle s’éveilla, son premier geste fut de détailler le bateau. C’était une épave assez récente, le bois n’étant pas pourri. Peut-être même le bateau où elle avait navigué… Son nom était le Sworvan, les voiles étaient déchiquetées et la moitié du bastingage arraché. Le drapeau qui l’avait empêché de dormir pendouillait misérablement au mât principal. Il y avait même deux. Le premier représentait une épée qui fendait les flots et le deuxième… La jeune fille frissonna tandis que le vent les déployait… Une tête de mort blanc ivoire sur un fond noir d’encre…

    Nariel, Challenger n°2<o:p></o:p>

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