Après une fin de soirée, bien arrosée, il sentend, jaidais Tom à remettre de lordre à la Taverne du Cheval Blanc. Depuis la disparition, ou la fuite de Myra pour être plus précise, les taches et les tâches samoncelaient ! Tom étant un vieux comparse, je lui donnais volontiers un coup de main, dautant que laccès à sa cave était par la suite illimité. Néanmoins, jespérais vivement une recrue, car certes le rhum était des meilleurs mais mes mains étaient fatiguées des défis ménagers ! Tom, fatigué de voir sa vaisselle cassée devait en venir au même raisonnement
Heureusement, il restait encore de quoi servir une pinte quand nous nous installâmes dans notre petite alcôve. Je regardais Tom pensivement, avec une question sur les lèvres qui me taraudait depuis un certain temps.
« Pourquoi un type costaud comme toi a-t-il donc choisi de tenir une auberge et de rester terrien ? Avec ta carrure, tu aurais pu amasser une fortune sur les mers ! Tu aurais été crains et respectés de tous, non pas que tu ne le sois pas actuellement, mais bon, tu vois ce que je veux dire ! »
Une fois nest pas coutume, Tom pris le temps avant de répondre à ma question. Il ne semblait pas chercher ses mots, mais perdu dans ses pensées, comme à la recherche dun vécu lointain. Des crispations sur son visage indiquaient que ses pensées nétaient pas toujours joyeuses. Enfin, il me regarda, se leva pour aller prendre une bouteille deau de vie, code secret confirmant limportance du sujet, se rassit, nous servi un verre et enfila le sien, comme sil sagissait dun vulgaire jus de fruit.
"Tai-je déjà parlé de mon père, Gallinette ? Non, visiblement
Faut dire qujen cause rarement du vieux, un brave homme mais une fin tragique. Sappeler Thomas, donc lfait quon ma nommé Tom
Menfin ses amis lappelaient plus souvent « Quun-il » pour des raisons pratiques, vu quil nen avait quun mais aussi parce quavec celui quil lui restait il était la meilleure vigie de tous les équipages de lîle ! »
Je manquais de lâcher mon verre ! Le père de Tom, vigie, donc pirate ! Bien sur que javais entendu parler du fameux Quun-il, à qui chaque nouveau mousse amoureux des hauteurs voulait ressembler et dont les anciens parlaient toujours avec une once de respect et de crainte dans la voix.
« Mouais, tout le monde connaît quUn-il aujourdhui ! Même si personne ne connaît la sinistre fin quil a connu
Et tu dmande comment quavec un père aussi fameux, je me suis pas de suite mis à la piraterie ! Ben parce que son histoire ma appris qules pirates nont rien dhommes dhonneur
Déjà quun père pirate, on lvoit pas beaucoup. Toujours sur les flots, sans se demander si la femme et lenfant vont bien. Qui ramène une fois lan, quelques joyaux histoire de faire le prince, mais qui sdemande jamais comment quon sait nourri le reste du temps. Létait pas méchant, lpensait pas à mal et je crois même quil nous aimait beaucoup, mais la mer est une maitresse captivante. »
Il se servit un énième verre. Son regard était vague. Mais les mots continuaient à sortir comme sils avaient été ressassés trop longtemps, puis enfermés dans un petit coin de son esprit, si étroit, quils navaient plus quune envie, sortir bien vite de là
Je me tenais silencieuse sur ma chaise et ne linterrompais pas. Trop peur quil sarrête et se taise à jamais.
« Ouais. Tu vois le Cheval Blanc, cest ma mère qui la finalement ouverte ! Un travail de dur labeur, pour son fils
Elle ne sait jamais plainte. Et elle laimait QuUn-il. Toujours là pour lui. Quand il est mort, elle a pas pleuré. Elle a pas vécu non plus. Comme si elle avait décidé de reprendre tout ce temps que la mer lui avait pris et de profiter là-bas dun maximum de temps avec son pirate
Je crois quelle le comprenait mieux que moi, le désir de liberté du vieux, et quelle laimait aussi pour ça
Menfin, jusque là rien que du classique non ? »
« Une vie de marin, on ne peut plus ordinaire et la vie de famille qui en découle. Sur que quand on est gosse, on lui en veut au vieux, et quon sdit quon fera jamais ça à une femme et à ses petits
Mais peut être que parce quil était mon père, jai eu envie moi aussi, les années venant de mettre le large, de trouver un paquet de drakos enfouis sous la mer, et de faire en sorte que la mère est plus de souci à se faire, quelle ait juste à sasseoir au coin du feu et à jouer avec les petits que jaurais
Bref jallais embarquer avec un équipage de jeunes mecquetons tout naïf comme moi, quand jai appris quUn-il létait mort
Je dois dire que si à lépoque javais pas encore compris le bonhomme, ca ma fait un certain choc. Sétait noyé en mer, lors dune grosse tempête, que ma dit le vieux Crock qui était vnu mannoncé la nouvelle, tout tremblant
»
Tom serra si fortement son verre quil le cassa net en deux. Il prit le mien et se resservit. A ce rythme là, faudrait bientôt que jaille chercher une nouvelle bouteille. Il me regarda et me fit un petit sourire.
« Et ben, cest toujours celui là que taura pas cassé Gallinette ! On mettra celui-là sur la note du patron ! Allez te bile pas
Ca a pas lair mais ça fait du bien den causer. Tu pourras même le publier dans ton canard, si tu trouves lhistoire intéressante. Bref, le vieux était mort. Et pour éviter trop de chagrin à la mère, jai été récupérer sa solde et ses affaires, dans sa cabine. Son captaine, et ses équipiers mont servi un beau discours sur son courage et sur la vigie quil avait été. Du vent, comme je lai découvert plus tard. Dans les affaires de quUn-il y avait un vieux coffre que je lui avais fabriqué quand javais 6 ans. Ca ma secoué de voir quil lavait toujours. Cétait notre secret à nous deux quand jétais mioche. Une cache secrète dissimulée au fond. Rentré à la taverne, je lai ouvert. Dedans, il y avait 20 lettres, dix de quand jétais bambin, et dix de lui quil mavait jamais envoyé Il me racontait la mer et ses mystères. Les îles parfumées, les tempêtes rageuses, les sirènes enjouées. Cétait des morceaux dsa vie que javais entre les mains. Y avait deux autres trucs plus étranges.»
«Un parchemin codé et un bout de papier froissé avec un grand point noir de cire au milieu. Je suis allé voir le Crock, pour quil men dise plus. Jai jamais vu un homme devenir aussi pâle que quand je lui ai montré la marque sur le papier. « Cest pas bon, cest pas bon, ça
» Quil répétait « la Marque » tout en tournicotant sur place. Il lui a fallu deux grogs, pour mexpliquer que la Marque était un message envoyé par les hommes dun équipage à lun des leurs afin lui faire comprendre quil allait payer de sa vie le crime quil avait commis. Je me demandais ce que le vieux avait bien pu commettre comme trahison indigne pour que les matelots de son navire lai jeté par-dessus bord comme lavait plus que fortement soutenu Crock. Les codes, cétait pas son truc, mais il ma dit que Rob lui saurait. Jai pas montré la Marque à Rob, ça doit rester dans la famille ce genre de truc. Il a mis un mois à déchiffrer le code, puis un jour il sest présenté à moi. Emu, ma dit que mon père était un honnête homme, que maintenant quil avait voyagé pendant mes jeunes années, il se devait de revenir pour que je puisse à mon tour partir, et que comme ça il pourrait enfin soccuper à plein temps de la mère
Quil allait présenter sa démission au capitaine et quil débarquerait pour de bon à son prochain retour
»
Je ne pu men empêcher « Mais pourquoi la Marque ? »
« Un de ces trucs de pirates. Les matelots et surtout le capitaine que jai molesté pour avoir la réponse, sen souviennent encore. Tu vois le capitaine et les hommes, ils ont pas cru le vieux quand il leur a annoncé la raison son départ. Ils ont pensé quil voulait les lâcher pour un autre équipage. Alors, ils lont passé par-dessus bord pour que son bon il aille pas servir quelquun dautres »
Il se leva et me dit quil était grand temps de fermer. Je ne pouvais que comprendre pourquoi il navait plus jamais quitté la terre ferme et pourquoi bien que travaillant avec et pour des pirates, il lui fallait beaucoup de temps pour accorder à certains sa confiance
Saramuch