• Pages 10 à 15 : Rencontres Piratesques : Saramuch


    Tom le Barman : T’as l’air bien déconfite, Much !

    Saramuch : A qui le dis-tu, Tom… les jeunettes, ça n’a aucune ponctualité. Plus d’une heure que j’attends la nouvelle. Elle me fait penser à Mille.Sabords, même topo, jamais à l’heure. Tu m’en remets une ?

    Tom le Barman : C’est donc vrai, tu prendrais ta retraite ?

    Tom laissa glisser une larme silencieuse dans le rhum qu’il versait à sa vieille cliente, et le « ploc » retentissant fit sortir de leur torpeur les habitués. Il est vrai que la plupart des interviews finissaient par un sac de sa taverne - mais ça mettait de l’animation, et une taverne digne de ce nom doit permettre un certain laisser aller pour attirer le chaland. De son côté, Saramuch grommelait dans sa barbe…

    S : Franchement, y en a une qui me fait douter !

    Et c’est toute guillerette, fredonnant une chanson d’amour, flattant mon fidèle perroquet Ogoun Ferraille perché sur mon épaule, que je me dirigeais d’un pas frétillant, tel l’oursin qui retrouve sa mer natale, vers la Taverne du Cheval Blanc, où m’attendait Saramuch, l’idole des lecteurs de la Gazette. Oui, j’aurais dû me présenter humble et tremblante, un bouquet de crânes de limaces à la main, et timide attendre le jugement de l’auguste reine des interviews… Mais mon enthousiasme juvénile faisait fi de tout cérémonial, mes amis ! A même pas trois mois d’existence dans le monde sauvage de la piraterie, j’allais passer une audition pour remplacer l’irremplaçable mais déclinante journalière… que voulez-vous, à bientôt 67 balais, la plume du perroquet blanchit et celle de sa maîtresse décline itou ! Il était temps qu’elle laisse la place aux jeunes pirates sans scrupules et irrespectueux.
    D’autant qu’on la disait lasse de ne plus pouvoir sortir sans avoir une foule d’admirateurs déchaînés à ses pieds. Si je pouvais l’alléger d’un si lourd fardeau, je pensais pouvoir m’en accommoder.

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    Surtout si la foule est masculine et bien tournée. Et donc c’est portée par un espoir inébranlable, nullement découragée par le vent déchaîné qui chatouillait ma blonde chevelure, parfaitement sobre, que je me lançais à l’assaut de la dragonne à blanche crinière et aux mains tremblantes d’avoir tant scribouillé. Je poussais la porte de la taverne et…

    Bouche Dorée : Saramuch ! Me voilà !

    Nul débordement d’enthousiasme n’accueillit mon entrée, nul cri de joie devant ma béate attitude. Etait-ce une impression ou faisait-il plus froid ici, malgré le feu qui crépitait ? Et où était la redoutable Déferlante Recruteuse Héroïque ? Plusieurs silhouettes confuses s’approchaient de moi. Dans l’expectative et le doute, je dégainais mon perroquet.

    B : Arrière, malfrats !

    Une voix argentine s’écria :

    Inconnue : Mais… elle est ivre morte ! Rafraîchissez son esprit !

    Mon épiderme entra en contact aberrant avec un abreuvoir d’eau glacée, tout devint noir et je me retrouvai en chemise devant un feu divin, frictionnée de main de maître par une brave pirate qui me souriait, elle-même enveloppée dans un manteau soyeux en poil de loup mutant.

    Inconnue : Dis-moi, Tom, tu avais noté qu’il pleuvait, toi ? Une tisane pour la petiote, ça finira de lui réveiller la cervelle et lui apprendra les bonnes manières. Pourquoi me regarde-t-elle de cette façon ? Quel odieux personnage t’a fait boire de la sorte ? Tom, ta taverne est mal fréquentée…

    Tiens, revoilà la voix argentine.

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    B : Pour être tout à fait franche (car la bonne mine de la dame m’inspirait franchise inhabituelle), j’avais rendez-vous avec une vieille pie…

    Inconnue : On dit une VIP, me corrigea-t-elle gentiment.

    B : Non, une vieille pie, sûrement mal lunée, mal fagotée, pirate en retraite, puant l’alcool frelaté à plein nez… enfin, bon, je me suis trompée de taverne, je suis allée dans mon tripot habituel, nous avons voulu fêter mon engagement certain, et me voilà ! Et l’autre malpolie se sera sauvée sans m’attendre, quel monde !

    Il y eut comme un blanc. On entendit Tom ricaner dans sa cuisine… Et d’une voix glaciale, qui me fit regretter la fraîcheur revigorante de l’abreuvoir, ma nouvelle amie me demanda mon nom.

    B : Bouche Dorée, actuellement chez Les Tigresses, à qui ai-je l’honneur ?

    Inconnue : On me donne bien des noms, la renommée, sûrement ! Pour certains, je suis la grande prêtresse des Quests, pour d’autres, la défenderesse des Limaces Manges Pirates, pour les moqueurs, la scribouilleuse, quoique ce sobriquet démontre toujours une certaine affection ou une affection certaine, et pour mes proches, Much suffit. Mais pour ta part, petite insolente, ça restera Saramuch.

    Argh ! Devant moi se tenait une donzelle qui me dominait de toute la tête, de belle allure, je ne sais quelle crétine a raconté qu’elle avait 67 printemps, et je vous assure que ses mains étaient fermes et que ses fessées devaient être mémorables. Elle m’attrapa par le col de ma chemise usée jusqu’à la corde, qu’elle déchira.

    S : On reste là ! Donne-moi une seule raison, et qu’elle soit excellente, pour que je ne te flanque pas dans l’abreuvoir de novo.

    <o:p>

    S : Histoire de voir si tu nages aussi bien que tu parles… et que tu obtiennes le poste ! Foi de Saramuch, il ne sera pas dit que la première pisseuse aura ma place !

    B : Oui, madame, j’en ai une, madame, je vous en prie, reposez-moi par terre…

    S : Tu vois, Tom, je te l’ai toujours dis, la perspective d’un bain forcé, ca apprend la politesse et le respect… Eh bien ?

    B : Une idée du tonnerre ! Ma première interview, ce sera vous !
    Saramuch me reposa doucement sur mes pieds, épousseta ma chemise déchirée, plaça son propre manteau sur les frêles épaules de jeune pirate pas dégourdie et m’installa près d’elle.

    S : Visiblement ça donne aussi d’excellentes idées ! Tu as de l’avenir ma petite ! Tom, apporte-lui une tisane !

    B : Merci madame... je peux t’appeler Sarah ? Aïe ! Bon, d’accord, madame. Tavernier, cette tisane, elle arrive ?

    Commençant à me réchauffer, attablée devant une succulente omelette aux amanites (eh, ça a l’air de payer, les postes dans la Gazette !), je lançais les questions qui brûlaient les lèvres de nos futurs lecteurs :

    B : Mais voyons, Saramuch, est-il bien raisonnable de t’en aller ainsi ? Je suis certaine que tu as d’excellentes raisons, confie-les nous, mais promets-nous de revenir moult et beaucoup. Et abreuve-moi de conseils, tu as sûrement une anecdote croustillante de tes débuts comme intervieweuse… allez, raconte, s’il te plaît…

    S : Minute Papillon ! Pas si vite ! Pour ce qui est du raisonnable, ma foi, je ne l’ai jamais été ! Et puis, faut savoir reconnaître quand on a fait son temps ! Sans compter que des petits LMP, ca vous en prend beaucoup.

    Et puis, je dois bien le dire, depuis que tu nous avais envoyé ton récit à la gazette, ça me titillait… Une pirate qui sait écrire c’est rare, mais alors une qui le fait bien, ça tient de l’exploit ! Pour ce qui est des conseils, on verra ça quand on t’aura trouvé un bureau à la gazette ! Pas question que je donne mes ficelles et astuces à n’importe quel lecteur, c’est quand même les trucs du métier… Parlant de bureau, y bien le petit bancal, près de la fenêtre cassée, est dispo… Tu devrais t’en accommoder non ? De toute façon, ce n’est pas avec ce qu’Undomiel nous paye, qu’on va t’acheter du mobilier… Tu t’en contenteras le temps de faire tes preuves ! Et évite de nous ramener des tas de bibelots comme Angedesmers, une seule collection d’angelus, ça nous encombre déjà assez… Où en étais-je ? Ah oui mes débuts… C’est la belle Lilandra qui m’a recrutée à l’époque, un peu comme toi maintenant ! Je devais même avoir ton âge, quoique comme j’ai gardé ma pétillante jeunesse, on ne voit pas une grande différence… Mais bon, moi je savais faire preuve de ponctualité ! Bref, Lil’ m’a prise à l’essai et j’ai décidé d’aller à la rencontre de l’équipage du Kidiplouf qui m’avait bien aidé à mes débuts… Me regarde pas comme ça ! Ok, c’était par une nuit d’Halloween, il faisait froid et Liloute m’a fait une peur bleue en m’abordant. N’empêche que ce fut ma première interview ! Le bon vieux temps ! Ca me manquera. Possible que j’aille faire un tour dans tes petits papiers de temps à autres ! Tu verras, y a pas plus beau que notre métier ! Enfin si tu survis aux recettes d’Igor… Il a toujours besoin de cobayes ! Et… Damned, il fait déjà nuit ? Mazette, j’avais rendez vous avec Mamath pour un combat en mer ! Je vais encore me faire traiter de dilettante. Avec ton retard impardonnable, on n’aura pas eu le temps de discuter… Va falloir que tu trouves quelqu’un d’autre pour ta première interview. Allez, viens, je te raccompagne chez toi… histoire de vérifier que tu vas dans ton hamac et pas dépenser tes drakos dans une autre Taverne.
    Parlant de drakos, je t’ai dis que les pigistes étaient considérés comme des volontaires et n’ont pas de rémunération ?<o:p></o:p>

    Ooooohh, quelle défiance, l’idée m’avait juste effleurée, pas plus, et juste parce que je n’avais pas eu de tisane, finalement. Plutôt fine, la Much !

    B : Pas de drakos et un bureau minable chez les casse-pieds ? Et puis quoi encore ? Je ne travaille pas pour de la bave de LMP, moi, Môdame ! Voici mes exigences et encore elles ont bien modestes…

    Mais je discourais dans le vide… Saramuch m’avait quittée, et pourtant je sentais encore dans la taverne une présence rassurante…

    B : Tom, le pot de tisane sur le compte de Saramuch ! Adessias !

    Je me glissai dehors et allai tout droit me hisser à bord d’un navire paresseusement bercé par la brise du soir.

    S : Encore toi, gamine…

    B : Juste une dernière question, dis, pour finir en beauté ! Tu n’as pas été toujours raisonnable, dis-tu ? Des preuves ! Alleeeeezzzzzz !

    S : Je te laisse tenter ta chance au poste des interviews… C’est pas une belle preuve ça ? Maintenant va te trouver une plume au marché et soit présente demain à 7h pétante à la Gazette ! J’aime avoir mon café fumant quand j’arrive !

    Vivement demain, une nouvelle vie m’attend ! Et comme je suis ordinairement matinale et demain probablement extraordinairement précoce, le café sera fumant avant même l’horreur… euh, l’aurore… et servi séance tenante à ma respectée collègue, juste histoire de vérifier qu’elle une aussi épatante Saramuch qu’on le raconte partout !

    Bouche Dorée<o:p></o:p>



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